« Keke ! Keke, viens voir. Tu dois lire ça ! »
Tordant le cou depuis son rocking-chair, Killian Richardson jeta un coup d'œil vers sa femme, tremblante sur sa canne en bois. C'était à lui de bouger cette fois-ci, il le savait puisque le matin même c'était elle qui avait fait l'effort de ranger les serviettes propres dans le bon tiroir. Réunissant toutes ses forces, il la rejoignit et lui prit la lettre qu'elle tenait entre ses doigts osseux. Le cachet était celui de la mairie et la simple vue du logo d'une vache grassouillette illumina son visage si ridé et marqué par les années.

« Margaret River a l'honneur de vous inviter à la Cow Parade du village !
Comme chaque année, cet évènement regroupera l'intégralité de notre petite communauté pour une journée d'exception. La vache, une véritable institution chez nous ! Sacrée pour certains, elle nous rattache à notre passé mais plus encore, c'est le sentiment commun d'affection pour elle qui nous lie. La vache contient quelque chose de magique qui touche tout le monde à travers le monde : c'est simple : elle nous désaltère par son bon lait, nous remplit la panse par sa riche viande mais surtout, elle nous fait tous sourire.
Ainsi, dès 14h, traversant toute la ville, une majestueuse parade accompagnée d'une fanfare rendra grâce à cet animal. A dix-neuf heures, vous serez tous attendus dans le centre-ville autour du banquet traditionnel où convivialité et gourmandise seront reines. Ne partez pas avant le dessert, une surprise vous attend aux douze coups de minuit !
Rire et camaraderie sont au programme et la réussite des précédentes éditions de cette fête nous donne bon espoir pour celles à venir. Venez nombreux, venez joyeux ! »

Killian secoua la lettre sous le nez de sa femme et lui demanda avec une pointe de méfiance dans la voix, malgré son ravissement évident de voir une nouvelle fois la Cow Parade avoir lieu dans sa ville.
« Bien bien mais tout cela ne nous dit pas si la racaille est invitée également ! »
« Les chasseurs d'or ? C'est eux que tu crains de voir venir à notre fête ? Enfin, Keke … Ils n'oseraient pas investir nos fêtes en plus de nos mines ! »
« Penses-tu ! L'autre jour, j'ai vu l'un d'entre-eux uriner sur les camélias des Ellington. Je ne crois pas que le respect de nos coutumes fera exception à leur mauvaise tenue. »
« Bah ! Que pouvons-nous y faire ? Il n'y a plus qu'à espérer que le maire et le shérif prendront les mesures nécessaires pour que ces invitations ne tombent pas entre de mauvaises mains. »
« Oui … Ou alors je commence à nettoyer mon fusil. »